La photo: Manifestation anti-vaccination au parc Jeanne-Mance le 5 décembre 2021.
Comme promis, voici un petit résumé de mes échanges sur le thème des classes sociales au Québec et du sondage que j’ai fait autour de moi. Pour commencer, le terme des classes sociales que j’ai utilisé tout naturellement - en tant que Russe, je suppose - renvoie à la théorie des classes qui émerge en Europe au 19e siècle et que nous connaissons à travers les écrits de Marx. D’emblée, cette pensée n’est pas d’actualité ici et maintenant. Les Québécois et les Québécoises ne pensent pas en termes de classes sociales et ne semblent pas avoir une conscience de «leur classe». La situation est tout autre en Europe, en particulier en France, où chaque classe vit selon ses codes, sur son territoire, a sa propre culture et a surtout la conscience d’appartenir à cette culture-là. En France, on peut parler de la classe ouvrière, de la classe bourgeoise, etc., mais pas au Québec. Comme m’a fait remarquer un ami, il y a seulement deux générations, au Québec, il n’y avait qu’une seule classe : la classe paysanne (quoiqu’il y avait quand même aussi le clergé et quand même aussi les riches et les pauvres). Depuis les débuts de l’histoire du peuple québécois, l’antagonisme existait entre les Anglais et les Canadiens français – et non pas entre les classes sociales comme, par exemple, en France. Les futurs Québécois formaient donc un groupe homogène, uni par leur religion catholique et leur langue … Cette idée de l’unité et de l’égalité semble encore persister aujourd’hui. Le vocabulaire politique en tout cas ne semble pas contenir les notions de confrontation marxistes.
Lorsqu’il y a des conflits dans la société, on parle d’une «chicane» plutôt que d’une guerre d’intérêts opposés. Ces jours-ci je lisais dans le journal le mot «bisbille» appliqué aux négociations et la grève des éducatrices des CPE. Pourtant, qu’est-ce que ce conflit sinon une lutte des sous-payés pour obtention de leur juste part auprès de la classe dirigeante? Mas le ton du gouvernement du Québec est cordial, paternel; on dirait que les Québécois sont encore une grande famille, comme il y a deux générations…
Cette conscience des classes étant évacuée ou jamais existante, reste une illusion de l’égalité entre tout un chacun. Et même si ce n’est la vérité qu’à moitié, au moins - toujours selon les commentaires que j’ai reçus – le grand avantage de cet état des choses est que le dialogue est toujours possible entre tous les groupes de la population, même engagés dans un conflit ouvert entre eux - les manifestants et les policiers, par exemple; alors que ce même dialogue est impensable en France ou en Russie. Le petit (ou un grand) désavantage de l’égalité prétendue non contredite entre tout un chacun est que la culture du débat n’existe pas. Toute opinion est aussi bonne que l’autre. On n’a donc pas besoin d’en débattre pour mettre les idées à l’épreuve. «C’est ton opinion; tu peux penser ce que tu veux; moi j’ai mon opinion » - voilà pour le débat.
Pourtant, les différences il y a entre les groupes de gens au Québec. On remarque ces différences et on veut parfois les exprimer, sans avoir de mots sociologiques pour le faire. Ainsi, quelqu’un de la classe moyenne peut qualifier quelqu’un visiblement pauvre d’«imbécile». Certains autres qualifient certains de «douchebags», etc. C’est comme si on empruntait à la psychologie les mots pour désigner un comportement individuel, alors qu’il s’agit éventuellement d’une culture, d’un groupe social complet avec ses raisons d’être et son contexte.
Donc, je vous présente dans un document à part les témoignages sur la perception des classes au Québec par mes amis, voisins, membres de ma famille québécoise élargie. Un minuscule échantillonnage strictement non scientifique qui sert à animer la réflexion sur la société québécoise actuelle, ses forces ainsi que les inégalités qui s’y trouvent. Cette recherche fait partie de mon processus de l’écriture de mon court-métrage Garde partagée et je vous la partage!
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