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TROIS TÉMOIGNAGES SUR LES CLASSES SOCIALES AU QUÉBEC

Témoignage 1

Tout d'abord, où dans la société tu te situes, selon toi, dans l'échelle virtuelle des couches sociales?

Vers le milieu bas.

À tes yeux, est-ce que la société au Québec est égalitaire?

Pas du tout.

Est-ce que les classes sociales existent? Peux-tu les nommer?

Oui : les pauvres de culture et de portefeuille, les moyens, les riches et les escrocs.

Selon toi, est-ce qu'il y a eu évolution des classes depuis, mettons, les années 70? Comment ça a évolué avec l'immigration?

Je ne pourrais dire. Il faut voir qu’il y a aussi de l’immigration de gens très bien nantis (du Brésil, de France).

Est-ce que la question de la langue anglaise ou française interfère avec la question des classes au Québec? Les fortunes et les grosses compagnies étaient détenues par les Anglos dans les années 50-60-70, mais cela a changé, je crois.

Est-ce que les classes sociales est un sujet tabou?

Pas autour de moi.

Est-ce qu'il y a un vocabulaire particulier au Québec pour en parler? Est-ce que c'est plutôt «les privilégiés», les «mieux nantis», les «défavorisés», etc.? Hum, je ne sais pas, il y a tellement de Français autour de moi.

As-tu vécu des expériences personnelles au Québec où tu étais confrontée à une situation sociale très différente de la tienne, peu importe laquelle. Peux-tu en parler?

Oui. À l’époque de l’Université et du Cegep, je payais moi-même mes études. Voir des collègues utiliser leur prêt étudiant pour s’acheter une voiture, alors que moi, cela payait mon loyer et ma nourriture, a été ma première désillusion.

Je vois ces mêmes collègues aujourd’hui être propriétaires de studios, avoir du matériel à la fine pointe de la technologie, alors que je viens juste de terminer de rembourser mes prêts étudiants…

J’ai aussi côtoyé des femmes monoparentales dans des cuisines collectives et chez les grands-frères, grandes-sœurs qui, venant de milieu défavorisé, n’avaient pas été encouragées à faire des études et j’étais révoltée pour elles des chances inégales.

J’ai aussi rencontré des gens dont le salaire annuel dépassait le 90 000$ qui avaient le préjugé que quelqu’un qui en gagnait 12 000$ était nécessairement paresseux ou stupide.


Témoignage 2

Note : voici les questions (j’ai mis la question de l’existence des classes sociales et de leurs noms en premier puisque je me situerai dans ces échelles pour répondre à d’autres questions):


Est-ce que les classes sociales existent? Peux-tu les nommer?

Oui, elles existent. Intuitivement, j’aurais tendance à faire les catégories comme suit. Je ne mets pas de chiffres, car il faudrait faire une recherche plus approfondie. De toute façon, j’ai l’impression que ton sondage vise à recueillir nos perceptions.


Important : d’abord, disons que dans le cours d’une vie, une personne peut avoir appartenu à plusieurs classes sociales. Elle peut avoir un parcours d’ascension sociale ou encore elle peut dégénérer et passer de la richesse à la pauvreté pour diverses raisons (maladies, accidents, situation extrême vécue dans un pays ou dans son pays, victimes de catastrophes naturelles ou autres).


Classe pauvre :

1. Au bas de l’échelle de la classe pauvre : les itinérants qui sont sans domicile fixe et d’autres personnes qui vivent dans une extrême misère tout en ayant un toit. Pour manger, ces personnes doivent recevoir l’aide d’organismes.

2. Au milieu de l’échelle de la classe pauvre : les personnes qui vivent avec l’aide financière sociale du gouvernement et qui n’ont pas de travail. Ces familles doivent avoir recours aux banques alimentaires,

3. Au haut de l’échelle de la classe pauvre : les personnes qui travaillent au salaire minimum et dont le revenu ne leur permet pas de sortir la tête de l’eau. Malheureusement, certains sont aussi pauvres que d’autres qui reçoivent de l’aide sociale étant donné que les frais dentaires et autres frais de santé ne sont pas payés par l’État. Ces familles doivent avoir recours aux banques alimentaires.

Classe moyenne :

1. Au bas de l’échelle de la classe moyenne : les personnes dont le revenu net annuel se situe un peu au-dessus du salaire minimum. Pour les familles avec enfants de cette catégorie, c’est très difficile de boucler le budget.

2. Au milieu de l’échelle de la classe moyenne : une grande proportion des citoyens québécois se situent à ce niveau de revenu qui leur permet de faire vivre une petite famille de 2 ou 3 enfants sans trop de soucis à la condition que la femme et l’homme travaillent tous les deux et à un salaire décent.

3. Au haut de l’échelle de la classe moyenne : les personnes dont le revenu est assez élevé pour mener un train de vie confortable : par exemple, acquérir une maison et souvent un chalet, faire quelques voyages à l’étranger par année et investir dans des placements pour faire fructifier leurs revenus. Cette famille pourrait avoir plusieurs enfants (plus de 4 enfants) sans que leur budget n’en souffre trop.

Classe riche :

1. Au bas de l’échelle de la classe riche: les personnes qui ont un salaire élevé. Souvent ces personnes ont reçu des biens en héritage de leurs parents ou d’autres personnes de la famille. Elles sont propriétaires de maisons qui coûtent cher et d’autres biens de luxe. Elles peuvent faire vivre une famille de façon plus que confortable.

2. Autres situations de la classe riche : les personnes qui jouissent d’un revenu très élevé, qui possèdent plusieurs biens et des placements qu’elles font fructifier. Cela peut aller très haut dans l’échelle des revenus annuels. Ces personnes jouissent d’un pouvoir économique important dans la société.


Tout d'abord, où dans la société tu te situes, selon toi, dans l'échelle virtuelle des couches sociales?


Pendant mon enfance et mon adolescence :

Ma famille et moi étions au bas de l’échelle de la classe moyenne. Nous vivions en location (dans la même petite chambre, mes 2 frères aînés avaient un lit double et ma sœur et moi avions un lit superposé, bébé couchait dans la chambre des parents). Ma mère était mère à temps plein.


Puis, papa est devenu le seul propriétaire du garage quand son frère aîné (2e propriétaire du garage) a trouvé un travail dans la région de Montréal et y a déménagé avec sa famille. Le garage ne permettait pas de faire vivre deux familles. Papa a pu acheter la maison de son frère aîné. Ma mère a eu un 6e enfant qui est décédé vers l’âge de 10 mois. Puis, elle a eu une petite fille, la dernière de la famille. Par contre, les cordons de la bourse devaient être tenus fermement. Le budget familial était très suivi. Quand nous avons grandi, ma mère a dû ouvrir un petit commerce de tissus et accessoires de couture dans une chambre de la maison afin d’aider papa à faire vivre la famille, dont les besoins grandissaient et en vue des études à venir.


La situation financière de la famille s’est corsée quand mon frère aîné a commencé ses études à l’École normale à Montréal et surtout quand mon 2e frère, ma sœur et moi avons commencé nos études postsecondaires à Montréal. Dans notre région, il n’y avait pas d’institutions postsecondaires. Avec l’aide de mes frères aînés, mon père a rassemblé des meubles usagés qu’ils ont déménagés dans un logement 6 ½ de Montréal. Mes 2 frères aînés, ma sœur et moi avons partagé cet appartement avec une amie d’enfance.


Nous demandions des prêts et bourses et nous travaillions pendant l’été, mais cela ne suffisait pas à tout payer pour vivre et étudier à Montréal. Dans ce temps-là, nous ne travaillions pas pendant l’année scolaire en même temps que nos études comme les jeunes d’aujourd’hui.


Puis, mes 2 frères aînés ont terminé leurs études et ont commencé à travailler à temps plein, l’un à Montréal et à l’autre à Sainte-Agathe. Le budget familial était encore serré jusqu’à ce que ma sœur et moi ayons aussi terminé nos études (cégep et un an d’Institut pédagogique pour moi et cégep pour ma sœur) et commencé à travailler. C’est là que ma famille a atteint le milieu de l’échelle de la classe moyenne, soit qu’il ne restait plus que 2 enfants à charge de mes parents.


Pendant ma vie de femme mariée :

Au début de mon mariage en 1971, mon mari et moi étions au bas de l’échelle de la classe moyenne,


Puis, nous avons fait un retour à la terre dans une petite commune en Ardèche (département de la France). Là, nous étions dans la classe pauvre. Nous vivions à l’ancienne et la petite ferme ne permettait pas de subvenir aux besoins de 6 adultes et 2 enfants.


Quand je suis revenue au Canada en 1974 avec mon bébé, je suis allée planter des arbres dans le nord-est de l’Ontario. Je gagnais 2 cents par pin planté et 3 cents par épinette. Je plantais en moyenne 750 arbres par jour et ce pendant 7 semaines. Puis, j’ai eu un petit boulot à temps partiel (1 ou 2 soirs par semaine) comme serveuse dans un bar du village. Je gagnais peu de pourboire, car c’était une taverne et les buveurs d’une taverne de village donnent peu de pourboire. Puis, j’ai travaillé comme animatrice de loisirs environ 4 heures par semaine (30 $). Puis, j’ai rejoint mon mari à Québec. Pendant cette période, nous étions en haut de l’échelle de la classe pauvre, puis notre situation s’est améliorée (travail 15 h par semaine au salaire un peu au-dessus du salaire minimum pour moi dans la garderie coopérative où allait mon enfant).


Pendant les études de mon mari (maîtrise et doctorat), nous étions au bas de la classe moyenne. Il avait des prêts et bourses et il avait des contrats d’assistants de recherche et de chargé de cours (un peu).

Puis, nous avons été au milieu de la classe moyenne à Ottawa et Orléans : 3 enfants, moi à la maison et mon mari avec un bon salaire. Déménagement à Saint-Émile : achat d’une maison à 56 000$ et toujours mère à la maison. Mon mari avait un bon salaire, mais beaucoup de charges financières.


Après mon divorce :

Après notre divorce, ma situation financière a baissé. J’étais au bas de la classe moyenne : d’abord petits boulots à peine plus que le salaire minimum et puis retour aux études pendant 6 ans. Puis, j’ai travaillé comme professionnelle de recherche, meilleur salaire 13,40$, puis 14,50$ et enfin 15,95$ quand nous avons eu un syndicat ! Le salaire augmentait un peu chaque année. Vive les syndicats !


Enfin, comme chargée de communication, j’ai pu avoir un salaire correspondant à mon niveau d’études supérieures. À partir de là, j’étais rendue au milieu de l’échelle de la classe moyenne. J’ai réussi à rembourser mes dettes d’études (32,440$) en 16 ans, de 1998 à 2014, soit 4 ans avant de prendre ma retraite.


Pendant ma retraite :

Maintenant que je suis à la retraite, je me situe au bas de l’échelle de la classe moyenne. Pour le moment, c’est parfait comme cela. Quand les soins dentaires et de soins des yeux et lunettes auront épuisé mes REER, je reviendrai dans la classe pauvre.


Conclusion : plusieurs personnes changent de classe sociale pendant une vie. Cela fluctue au fil des événements. Par ailleurs, les classes sociales ne sont pas seulement basées sur l’argent gagné (capital économique), il existe aussi un capital social, un capital symbolique et un capital culturel. Et, les personnes qui étudient longtemps par elles-mêmes (autodidactes) ou à l’université, augmentent leur capital culturel. Ce qui est mon cas. Donc, une personne peut être dans une classe sociale moins élevée, mais posséder quand même un certain capital culturel.

Extrait de Wikipédia :

« Dans Les formes de capital (1986), Pierre Bourdieu distingue quatre formes de capital : capital économique, capital culturel, capital symbolique et capital social. Il définit le capital social comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance ». Selon lui, le capital social ne saurait suffire pour expliquer la hiérarchie sociale : son rôle est principalement un rôle de démultiplicateur pour les deux autres capitaux. Pour filer la métaphore économique, le rôle du capital social est de faire fructifier le capital économique (par exemple, l'entrepreneur qui « possède un réseau » et grâce à celui-ci accroît ses profits, qui lui permettent d'élargir plus encore son réseau...) et le capital culturel (par exemple, un professeur qui, en assistant à de multiples conférences, accroît son aptitude à la réflexion en la confrontant à d'autres interlocuteurs...).»


À tes yeux, est-ce que la société au Québec est égalitaire?

Je ne crois pas qu’elle le soit totalement. Dans une société capitaliste, c’est rare. Par contre, au pays, nous avons des programmes sociaux pour aider les citoyens (santé, éducation, aide sociale, etc.). Et c’est grâce aux programmes sociaux qu’une certaine redistribution de la richesse se fait. C’est loin d’être parfait, mais comparativement à d’autres pays, c’est bien.


Selon toi, est-ce qu'il y a eu évolution des classes depuis, mettons, les années 70?

Oui, il y a eu évolution après la création du Ministère de l’Éducation en 1964 et de l’offre gratuite des études jusqu’à l’âge de 16 ans dans toutes les régions du Québec. https://fr.wikipedia.org/wiki/Minist%C3%A8re_de_l%27%C3%89ducation_(Qu%C3%A9bec)


L’accès aux études supérieures s’est beaucoup démocratisé avec la création des cégeps (en 1967) et la création du réseau de l’Université du Québec (en 1968) avec des établissements dans toutes les régions du Québec. Il était alors possible pour les classes sociales inférieures d’accéder à l’enseignement supérieur et ainsi de monter dans la hiérarchie des classes sociales.


Université du Québec :


Comment ça a évolué avec l'immigration?

L’immigration a changé au fil des décennies et des vagues successives d’immigrants. Par exemple, les immigrants venant de la Grèce, de l’Italie, du Portugal, d’Haïti et des Juifs étaient déjà bien implantés au Québec lors de la création des cégeps et de l’Université du Québec. Ils ont donc profité aussi d’un meilleur accès aux études postsecondaires.


Pour en savoir plus sur les différentes vagues successives d’immigration au Québec, les HEC ont publié une page Web qui résume tout cela et permet de situer l’origine principale des immigrants et réfugiés au fil des décennies. https://sites.google.com/site/hecpopulationetpeuplement/a-population-et-peuplement-aujourd-hui-au-quebec/vagues-migratoires-en-bref


Selon moi, la population du Québec s’est beaucoup diversifiée depuis 1975 au moment où les pays d’origine des immigrants et des réfugiés se sont multipliés. Et, cela a changé la métropole du Québec, Montréal, où la majorité des immigrants s’installaient. Par conséquent, les classes sociales ont changé aussi et on a assisté à une plus grande diversité des cultures.


Des quartiers ont rassemblé principalement telle ou telle culture. De plus, les immigrants et réfugiés les moins fortunés se sont retrouvés dans des quartiers plus pauvres où les loyers étaient moins chers et malheureusement moins salubres. Cela a changé les classes sociales et les plus pauvres étaient souvent composés d’un plus fort pourcentage d’immigrants.


Par contre, les immigrants pauvres à leur arrivée, mais qui détenaient un capital culturel plus élevé parce qu’ils étaient plus instruits, ont pu petit à petit améliorer leur capital économique et ont souvent décidé d’acheter une maison et de s’installer dans un quartier de la classe moyenne.


Est-ce que la question de la langue anglaise ou française interfère avec la question des classes au Québec?

Avant la Révolution tranquille et la création du Ministère de l’Éducation, des cégeps et de l’Université du Québec dans tout le territoire pendant les années 1960, les classes sociales supérieures comptaient principalement des anglophones.


Le niveau d’instruction des francophones était médiocre en général, sauf pour les membres de la petite bourgeoisie francophone qui avait les moyens d’envoyer leurs enfants dans des collèges privés. L’Église catholique payait les études postsecondaires d’un certain nombre d’enfants de familles pauvres qui avaient de bonnes notes à l’école secondaire. Ces jeunes étaient acceptés dans les petits séminaires du Québec (garçons) et dans des couvents (filles). Donc, je crois que la création d’un système d’éducation accessible à tous a beaucoup aidé les francophones à s’élever dans la hiérarchie des classes sociales.


Est-ce que les classes sociales est un sujet tabou?

Non, je ne crois pas que ce soit un sujet tabou et les syndicats ont beaucoup aidé à tenir compte des classes sociales plus pauvres. Au temps du syndicaliste connu, Michel Chartrand, par exemple. Il y a eu des grèves mémorables et très dures sous le gouvernement Duplessis qui était contre les syndicats.


Au fil des décennies, le syndicalisme s’est transformé et est devenu plus corporatiste, hélas. Mais je crois qu’il est encore essentiel que les travailleurs se rassemblent en syndicats pour défendre leurs droits.


Est-ce qu'il y a un vocabulaire particulier au Québec pour en parler? Est-ce que c'est plutôt «les privilégiés», les «mieux nantis», les «défavorisés», etc.?

Il y a probablement eu un changement dans la manière de parler des classes pauvres en utilisant des mots moins francs, pour ménager les susceptibilités. Mais, le langage a changé aussi pour parler d’autres réalités : des aveugles (les non-voyants), des sourds (les malentendants), les vieux (les aînés), etc.


As-tu vécu des expériences personnelles au Québec où tu étais confrontée à une situation sociale très différente de la tienne, peu importe laquelle. Peux-tu en parler?

1er exemple :

Pendant ma 2e année de cégep, j’ai reçu la visite de A., une jeune fille épileptique de l’Annonciation que j’avais aidée à l’école pendant mon secondaire au village. Elle s’était beaucoup attachée à moi et j’étais dépassée par cette situation.

Un jour, elle s’était sauvée de son milieu, avait voyagé sur le pouce vers Montréal pour venir me voir.

C’était le jour de la première de la pièce de théâtre dans laquelle je jouais au cégep. Elle est arrivée dans la maison de pension où j’habitais. Je devais avoir correspondu par lettres auparavant puisqu’elle avait mon adresse. Je l’ai donc amenée au Cégep. Après la pièce, elle n’avait pas de place où aller et pas d’argent pour retourner en autobus à l’Annonciation. J’ai demandé à mes parents (qui étaient venus voir la pièce avec ma petite sœur et qui étaient invités à souper chez notre oncle) si A. pouvait venir avec nous.


Donc, A. est venue manger chez notre oncle et notre tante. Au moment de la soupe, elle ne se sentait pas bien et ma tante l’a invitée à s’étendre sur leur lit. Peu de temps après, je l’ai trouvé en pleine crise d’épilepsie. Elle avait par le fait même uriné sur le lit mon oncle et ma tante. On a vite appelé un médecin qui est venu. Il a appelé une ambulance pour amener A. à l’hôpital. L’ambulancier voulait que mon oncle paie le service d’ambulance parce que le malaise était survenu dans sa maison et que la loi était comme ça. Mon oncle résistait par principe parce qu’il ne connaissait pas cette jeune femme. Le médecin a dit qu’il paierait la facture. J’ai accompagné A. à l’hôpital. Finalement, j’ai compris qu’elle n’avait pas pris sa médication pour l’épilepsie. Elle était une jeune femme démunie qui ne savait pas gérer ses affaires en raison de déficience intellectuelle. Et, elle était seule au monde. Cela faisait mal de voir cela.


2e exemple :

Quand j’ai travaillé pour les aveugles et malvoyants de la région en 1975. C’était un programme d’emploi pour les jeunes du gouvernement fédéral qui s’appelait «Initiatives locales» et qui durait 6 mois. L’initiative venait de personnes de la société et si le gouvernement jugeait le projet utile, il le finançait.

Donc, nous étions environ 12 jeunes avec un coordinateur un peu plus âgé, un chauffeur et un VUS de plusieurs places pour les déplacements fourni par le projet.


Le but était d’offrir à la population aveugle et malvoyante de Québec diverses activités (sportives, artisanales et culturelles). Notre base était située à l’Institut pour les aveugles qui étaient aussi une résidence pour personnes aînées aveugles.


Au début du projet, nous avons visité tous les aveugles de la région de Québec pour leur expliquer le projet et leur demander de s’inscrire aux activités qui les intéressaient. Lors de cette tournée, on a rencontré un vieux monsieur malvoyant qui habitait dans une maison de chambres. Il était pauvre et cela faisait peine à voir. On a signalé cette situation à l’Institut des aveugles pour qu’ils lui viennent en aide.


3e exemple :

Réaction hautaine d’un professeur de mon département à l’Université Laval qui était fâché quand j’ai annulé un petit contrat pour lui. C’était le jour où j’ai été embauchée à temps plein au vice-rectorat aux études et aux activités internationales (qui était une vraie job bien payée et à plus long terme!). J’avais pourtant trouvé une collègue qui était d’accord pour me remplacer pour ce petit contrat.

J’ai senti que ce professeur ne comprenait pas dans quelle précarité financière j’étais à ce moment-là à rabouter des dizaines de courts contrats de recherche, à gauche et à droite, pour arriver à 28,000$ par année en tout. Il était dans la classe riche (bien nantie comme tu dis). Je n’ai pas apprécié du tout son manque de sensibilité.


Témoignage 3


Tout d'abord, où dans la société tu te situes, selon toi, dans l'échelle virtuelle des couches sociales?

Mes parents viennent de la ville de Québec, de familles ouvrières, mais mes deux parents ils ont fait des études supérieures et de belles carrières professionnelles. Donc je dirais que nous sommes de la classe moyenne privilégiée. Dans le sens ou mes parents ont accédés à cette classe, leurs parents étaient agent d’assurance et facteur, mais avaient de l’intelligence et des ambitions pour leurs enfants, donc mes parents ont réussi à dépasser ou à vivre de manière beaucoup aisément que leurs propres parents, comme beaucoup de familles issues du milieu agricole ou ouvrier des années 20-60.


Pour ma part, j’ai été élevée à Outremont en haut, donc très privilégiée, mais en même temps, moi et mes soeurs étions libres de suivre nos passions (artistiques) aucune pression n’a été faite dans le but d’une réussite sociale ou financière. Nous n’avons pas été élevées à se trouver un mari ou étudier dans des domaines libéraux (médecine, avocates ou autres), nous sommes toutes dans les domaines artistiques ou culturels, d’ailleurs !


Personnellement, ma réussite financière provient de la bulle immobilière qui nous a permis d’investir et de faire des achats et ventes de maisons. Une à la fois, j’ai été propriétaire dans l’est de la ville jusque’ à Outremont. Mais tu vois, maintenant nous avons vendu la grosse maison pour vivre à la campagne simplement !


À tes yeux, est-ce que la société au Québec est égalitaire?

TRÈS, c’est la société la plus ouverte et qui tend le plus vers l’égalité que je connais : des sexes, origines, qui offre énormément de chances tant au niveau du travail et qu’au niveau des études. Les services que l’état offre à la société sont très élevés comparés aux États-Unis ou à l’Europe. (Santé, éducation, garderies, logements, qualité de vie, etc.).


Est-ce que les classes sociales existent? Peux-tu les nommer?

Oui, bien sûr, les classes existent, pour moi, elles sont liées à la culture, l’ambition et bien sûr, la richesse économique qui permettent tout ça. Il y a aussi les lignées de famille, qui ont de l’argent de plusieurs générations, ça c’est le top de la crème !


Je dirais qu’il y en a plusieurs :

La classe des riches ou « grands bourgeois » : familles riches et éduquées depuis plusieurs générations (Bombardier, Molson, Steinberg, Desmarais, Péladeau, etc.) et les autres qui ont réussi grâce à leurs études, leurs relations et leur talent et intelligence à se hisser parmi les riches.


La classe moyenne : Ceux qui sont arrivés à une certaine aisance par eux-mêmes, qui profitent de toutes les chances et opportunités qui sont offertes à eux dans notre société très généreuse. Ils ont réussi à subvenir à leurs besoins et ceux de leurs enfants.


La classe ouvrière et les pauvres : ceux qui ne sont pas fortunés, qui n’ont peu de culture ou d’éducation, mais qui trouvent néanmoins des emplois manufacturiers. Aussi, les gens qui ont peu de ressources, qui sont isolés pour plusieurs raisons : maladie, pauvreté, santé mentale, ne parlent pas la langue, immigrants sans repères ou sans famille, etc.


Selon toi, est-ce qu'il y a eu évolution des classes depuis, mettons, les années 70? Comment ça a évolué avec l'immigration?

Pas vraiment, les riches sont encore riches et les pauvres sont encore pauvres.

Par contre, on peut remarquer que les jeunes sont bien plus aisés que nous l’étions dans le temps !


Dans ma vingtaine, on avait des vieux frigidaires, on ramassait des meubles usagés dans les ruelles, on avait des voitures complètement pourries, mais on était libres et c’était l’époque. Maintenant les jeunes sont pas mal plus aisés, plusieurs ont des frigos en inox, des voitures louées et tous les meubles neufs d’Ikea…C’est comme devenu plus important.


Pour ce qui est de l’immigration, on n’en parlait pas tellement chez nous, j’avais des copines d’Haïti, d’Italie et du Portugal et elles étaient juste d’ailleurs, il n’y avait pas de stigmatisation par rapport à leurs origines. Dans l’école où j’allais, il n’était pas question de racisme (À Pierre-Laporte à Mont-Royal), et pourtant la clientèle était très mixte (Italiens, Portugais, Grecques, Libanais, Anglo, francophones de souche, Haïtiens et un peu d’asiatiques). Je me souviens qu’il y avait des cliques, mais moi je n’ai jamais senti de frontières entre les «races». J’avais des amies de tous ces groupes, mes chums de gars étaient presque tous des non-Québécois d’origine* et mes parents n’en ont jamais été surpris ou dérangés !!! ;-)



* Plusieurs étaient nés dans leur pays et leurs parents avaient immigré récemment : Libanais, Français, Marocains, Portugais...


Est-ce que la question de la langue anglaise ou française interfère avec la question des classes au Québec?

Non, pas vraiment, mais les anglophones de souche sont parfois méprisés par les francophones, c’est comme ça depuis longtemps. C’est comme historique, les Anglais d’Angleterre se sentaient supérieurs aux Français de France, ils ont apporté ça au Québec en venant ici il y a très longtemps. Tu devrais écouter les sketches d’Yvon Deschamps des années 70’ sur son boss…Très bon pour comprendre ces questions ! Un classique pour comprendre l’histoire de la société québécoise.


Est-ce que les classes sociales est un sujet tabou?

Pas pour moi, je ne peux pas répondre pour les autres.


Est-ce qu'il y a un vocabulaire particulier au Québec pour en parler? Est-ce que c'est plutôt «les privilégiés», les «mieux nantis», les «défavorisés», etc.?


Je dirais : les 1%, les riches, la classe moyenne et les pauvres ou défavorisés, je dirais. C’est du vocabulaire usuel, on ne nommera pas comme ça dans un texte écrit, mais dans la langue courante c’est ainsi.

Il y a aussi des mots comme les bourges - pour les bourgeois, la gaugauche caviar pour la classe moyenne qui veut avoir l’air cool !


As-tu vécu des expériences personnelles au Québec où tu étais confrontée à une situation sociale très différente de la tienne, peu importe laquelle. Peux-tu en parler?

Comme je le disais, mes parents m’ont offert une éducation et un milieu de vie privilégié, mais je n’ai jamais été protégée ou empêchée ou encore mes parents n’avaient pas de jugement sur l’origine ou la classe sociale de mes ami.e.s

Ma mère était travailleuse sociale, donc très ouverte et emphatique et la famille de mon père était très humble. Nous avions du respect pour tout le monde. Il n’y avait pas d’exclusion.


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